Le 8 mars, nous célébrons ce que l’ONU appelle la journée internationale des femmes – c’est d’ailleurs l’intitulé officiel à peu près partout dans le monde – alors que la France a plutôt tendance à privilégier la dénomination de Journée internationale des droits de la femme.
Cette journée du 8 mars, quel que soit le nom qu’on lui donne, n’est pas une fête, c’est l’occasion de dire, de redire, de faire le point sur la place des femmes dans notre société. Et c’est Corine Busson-Benhammou qui fait le point pour nous, ici, à Angers, et dans le domaine de la Tech en général.
« Pour débuter, je préfère que l’on évoque les droits des femmes plutôt que de la femme.
La Tech, ce n’est pas un monde à part réservé aux hommes. La Tech, c’est un domaine qui évolue, qui crée, qui s’invente, se réinvente et qui façonne de nouveaux métiers chaque jour. La place des femmes y est aujourd’hui réduite, certes. Mais les choses bougent, un frémissement se fait entendre. Pour la première fois, au CES de Las Vegas, l’égalité entre les femmes et les hommes a été évoqué par Gary Shapiro dans son discours d’introduction du salon comme étant l’un des enjeux des années à venir. Un enjeu visible : les top speakers féminines sont encore quasi inexistantes dans les salons internationaux : parmi les visiteurs, une écrasante majorité d’hommes. Plus largement, la présence des femmes dans les directions, conseils d’administration, et les Comex encore rare. En 2020, l’imminence de l’imposition des quotas pour que la parité soit appliquée en dit long.
Parlons chiffres tout d’abord. Les femmes ne représentaient que 17% des effectifs dans le numérique en 2018. Dans les faits, on ne progresse pas. On recule. En 2009, la part des femmes représentait 20% des effectifs. Les équilibres dans les équipes de direction dans des secteurs comme l’électronique, le hardware ou, l’industrie sont plus qu’à la traîne. C’est dès le plus jeune âge qu’il faut casser cette image « virile et masculine » du secteur et attirer les femmes dans l’industrie. Elles sont ainsi 38 % pour lesquelles l’appréhension du machisme et du sexisme constituerait un frein pour poursuivre une carrière dans une entreprise industrielle. Plus localement, on voit encore qu’au sein des promotions de nos grandes écoles, ce vivier pour les générations futures, les femmes y sont sous-représentées. Paradoxalement, en Inde et en Chine, la dynamique positive des femmes ingénieures est intéressante.
La société a tendance à conforter, de façon consciente ou inconsciente, le stéréotype qui pousse les hommes à s’orienter vers la Tech et qui tend à éloigner les femmes de ce domaine. Une certaine forme de conservatisme demeure. Les femmes sont en effet facilement sujettes au syndrome de l’imposteur, une forme d’auto-censure que nous confortons tous, chaque jour, par des attitudes, par des choix dans la promotion de nos produits, ou que sais-je encore ! Alors, il faut le dire dire : oui, les femmes ont toutes leur place dans la Tech ! Et au-delà des mots, des belles paroles et des laïus (de circonstance, en ce jour, je vous l’accorde) sur le sujet, il s’agit aussi pour les hommes de prendre en considération leurs actes au quotidien. Les petites remarques, blessantes, humiliantes, l’ignorance que certains portent encore sur les avis portés par une femme appartiennent encore à notre quotidien. Tant que persistera le manque de considération des hommes, cet entre-soi masculin qui limite l’émergence de talents féminins, alors nous serons loin du but.
Travailler dans un environnement majoritairement masculin quand on est une femme provoque réactions et comportements divers. Certaines en subissent les affres, d’autres en font une force. Aujourd’hui, aucun doute, pour qu’une femme réussisse et qu’elle soit jugée comme compétente et reconnue, elle doit travailler deux fois plus qu’un homme. J’ai presque toujours évolué dans un monde à majorité masculine, la citation de Simone Veil résonne souvent en moi : « Ma revendication en tant que femme, c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. »
C’est évidemment par l’éducation à destination des hommes et des femmes, que les choses évolueront dans le bon sens. Des initiatives existent : je pense notamment au programme Wifilles, ce programme qui vise à mettre en relation dès le collège des jeunes femmes avec le milieu de la Tech. Une initiative qu’Angers French Tech appuie, encourage, et pousse à aller encore plus loin. Ce sera un accomplissement pour celles qui y parviendront. Mesdames, imposez-vous ! Vous ne rentrerez de toutes façons pas dans les cases prévues à cet effet par ces Messieurs. Trouvez en vous la force, le courage, l’indépendance des guerrières du travail qui devront tenir et rester debout ! Messieurs, engagez-vous au-delà de cette simple journée ! Ayez le courage de confier des postes à responsabilités, de former dans vos entreprises des jeunes femmes qui seront demain le terreau d’une Tech plus riche de sa diversité et des profils qui la représenteront. »